Confinement #3: l’acceptation
Voilà, ça y est, je pense qu’on peut le dire, nous sommes passé dans le 3è stade d’acceptation du confinement, l’acceptation et la nouvelle normalité s’est installée. En tout cas, je parle pour moi et ma petite famille. Nous avons tous passé de nombreuses heures sur Facebook, à suivre chacun des sujets parce que nous avions besoin de comprendre, de nous sentir renseignés, de pouvoir nous rassurer, de savoir quoi dire à nos enfants, bref, de maîtriser un tant soit peu le sujet. Force est de constater qu’une fois de plus, être submergés d’infos, qui plus est sur Facebook, sur un sujet qui nous paraissait jusqu’ici tellement hypothétique, digne d’un scénario de série, c’est vraiment pas une bonne idée.
Ensuite, on a commencé a avoir des infos de nos proches, de ceux qu’on connait et en qui on a un minimum confiance. Des vrais gens touchés, qui témoignent. Mais les sujets se suivent, stocks de masques, virus fabriqué par les chinois dans un laboratoire français, la chloroquine et son gourou déifié par certains et diabolisé par d’autres, la catastrophe de nos amis italiens, des chiffres, des statistiques, des complots, des abrutis qui les relayent sans cesse. Le confinement, cette nouvelle forme d’oisiveté qui rend encore plus cons certains.
Et comme d’habitude, les premiers temps je m’énerve, j’essaye de raisonner certains contacts, en leur expliquant qu’il suffit bien souvent moins d’une minute pour trouver des réponses étayées à des théories ne servant que les intérêts de personnes malintentionnées. Et puis, j’abandonne, je dégage certaines personnes toxiques, ce n’est pas bon pour ma santé mentale. J’écris les phrases qui me brulent les lèvres et je les pose juste dans certaines conversations, les personnes visées ne se sentant malheureusement pas toujours concernées.
En plus, je suis deux fronts, celui de ma terre natale, et celui de ma terre d’accueil. Je constate une fois de plus que le civisme des québécois est bien plus réactif que celui de mes compatriotes, même si la nature humaine l’emporte quand même. J’ai été très déçu cet après-midi de constater que les rues sont jonchées de gants jetables, mais quand cesserons-nous d’être des crétins ??? J’ai été outré par les réactions des voisins de personnels infirmiers qui osent leur demander de se barrer pour leur « sécurité ». L’humain est tellement décevant parfois.
Et puis, on s’est amusés à faire des apéros visios, à prendre des nouvelles plus souvent, voire même à reprendre des nouvelles de gens qu’on aime bien, mais avec qui on a rarement l’occasion d’échanger. On voit la créativité se mettre en action, les artistes proposer leurs oeuvres gratuitement, les chanteurs faire des lives confinés, les humoristes créer des séries garantie « fait maison ». On applaudi aux fenêtres, on découvre de nouveaux héros qui n’en demandent pas tant, qui parfois, n’ont même pas le choix.
On s’organise, on voit la limite du système, les sites de vente en ligne qui sont submergés, les ralentissements de connexion, des réseaux entiers qui plantent. On découvre la limite de tellement de choses qu’on croyait robustes: notre système de santé réputé meilleur au monde malmené, la limite de la mondialisation qu’on croyait une solution géniale pour obtenir des choses à moindre coûts, notre système éducatif, lui aussi bouleversé en un temps record. Et puis on découvre, comme dans toute épreuve des comportements extraordinaires, de la solidarité qu’on croyait à jamais perdue, une formidable résilience des entrepreneurs, qui savent remettre en question leurs priorités, notre industrie qui d’un coup réussi a renaitre de ses cendres, à s’adapter et à contribuer à l’effort de guerre.
Donc oui, c’est bon on a compris que plus rien ne serait comme avant, on a compris que nous serons tous affecté par cette nouvelle réalité qui se sera imposée à notre déni manifeste. Je me rappelle d’une discussion l’an passé, sur le balcon de mon pote Arthur à Montréal. Une discussion que j’aime bien lancer, un peu par provocation: « Le modèle de nos villes est amené à disparaître dans les prochaines années ». Cette discussion amène systématiquement au débat de notre civilisation ultra-dépendante, qui s’est si vite éloignée d’un facteur pourtant immuable, être connecté avec la terre. Je me rappelle que quand j’évoquais un chamboulement dans les 10 prochaines années, personne n’était prêt à y croire, pas même moi… Ce qu’on vit actuellement n’est pas exactement ce que j’essayais d’évoquer à ce moment-là, mais s’en approche quand même étrangement. Etre confiné en ville et confiné à la campagne c’est surement pas la même chose, la ville n’est semble-t-il plus un modèle rassurant, sinon pourquoi autant de parisiens auraient décidés de la quitter précipitamment ?
J’ai démarré il y a quelques mois, un peu par hasard, un projet écologique, sur l’autosuffisance et l’économie circulaire. Ces sujets m’interpellent depuis quelques années et n’ont jamais été aussi actuels. Ce projet va surement prendre encore plus d’ampleur désormais, je crois que je suis prêt à me remettre encore plus en question qu’auparavant. Je crois que nous le sommes désormais (presque) tous… vous croyez pas ?