IA: la destruction de la valeur de l’effort ?
Je fais partie de cette génération qui s’est forgée autour de la valeur « effort ». On respectait les ouvriers, les agriculteurs, les artisans, parce qu’on connaissait le labeur qui était le leur. J’ai moi-même débuté dans des métiers physiquement fatigants (agriculture, silos à grains, peinture en bâtiment…). Chaque franc gagné était mérité.
Et puis j’ai découvert une autre voie pour gagner sa croûte : faire travailler son cerveau, sa créativité, créer des concepts, simplifier des processus et les usages, conseiller, accompagner, et tout cela essentiellement grâce au numérique.
Mais là encore, la notion d’effort n’était jamais loin, la fatigue physique étant remplacée par la fatigue cérébrale. Mais la satisfaction qui en résulte donne tout son sens à cet effort.
Et puis sont apparus des métiers valorisant l’oisiveté. Je me rappelle encore de la première émission de télé-réalité où des jeunes, enfermés dans une maison luxueuse, se faisaient payer en ne faisant rien, juste sous le regard de millions de voyeurs. Toute une génération a été habituée à croire que l’effort n’était plus le critère numéro un pour réussir. Et ça n’a fait qu’empirer avec les réseaux sociaux et leurs influenceurs, les business virtuels comme le dropshipping, bref, la glorification de l’un des péchés capitaux, la paresse, trouve désormais son apogée dans l’IA, avec la promesse de confier à une machine toute sa propre incompétence.
Tu ne sais pas écrire, dessiner, chanter, filmer… tu n’as aucune compétence ? Eh bien, désormais, tu n’as même plus besoin d’apprendre ; il te suffit de trouver le bon outil qui comblera ton incompétence et surtout ta paresse à apprendre, au profit de l’instantanéité. Certains se persuadent même de leur talent artificiel, s’affichant comme artiste IA, écrivain, vidéaste ou compositeur…
Alors oui, les machines ont permis de réduire les risques physiques avec des robots exécutant des tâches dangereuses ou répétitives.
Les outils utilisant l’IA sont vraiment géniaux et offrent des résultats bluffants, un peu comme certains repas industriels, goûteux et rapides à exécuter… mais va-t-on considérer le mec qui passe au micro-ondes un sachet industriel, comme étant un chef cuisinier innovant ? N’a-t-on d’ailleurs pas fini par être lassés de ces attrapes-touristes qui abusaient de la pratique, au point de créer un label « fait maison » ?
Alors, faut-il désormais considérer comme laborieux l’usage de notre cerveau, et de ce qui fait la singularité de notre espèce ? Doit-on confier la créativité à un cerveau extérieur à notre boîte crânienne ?
L’image des humains oisifs présentée dans le film Wall-E vient soudain de me faire sourire… ou pas.