Michael Bechler

16 novembre 2024

Et si on réhabilitait le « syndrome de l’imposteur » ?

L’IA a visiblement fait disparaître chez certains le fameux syndrome de l’imposteur. On voit de plus en plus de vidéos d’experts (rien que le nom m’amuse) qui, sans sourciller, nous expliquent que désormais, pour maitriser un sujet et en faire une conférence il suffit de quelques clics sur Perplexity, d’un passage éclair sur NoteBookLM et d’un ou deux autres outils pour faire des « powerpoints stylés ». Au diable les heures de recherches, d’études et de confrontations, vive la digestion artificielle.

La course à la démonstration qui te fait gagner un temps incroyable par jour grâce à l’IA n’en finit pas. Automatiser par ci, générer automatiquement par là, se prendre pour un artiste, un vidéaste ou un chercheur à coup de prompts est devenu l’eldorado des nouveaux vendeurs de rêves augmentés.

Et si la vraie question était finalement ailleurs ?

D’abord, pourquoi gagner du temps ? La course au temps ne date pas d’hier et pourtant, elle n’a jamais été aussi existentielle. Si l’IA nous fait gagner du temps pour en apprendre davantage, pour avoir plus de temps à réfléchir ou à imaginer de meilleurs solutions, ça peut sembler louable.

Sauf qu’aujourd’hui, cette course à l’IA semble éloigner certains de ce qu’on appelait jusqu’ici : le syndrome de l’imposteur. Ce sentiment de ne pas être légitime pour parler d’un sujet, argumenter, et participer à son amélioration, qui nous obligeait à plus de rigueur, d’efforts et de convictions. Aujourd’hui avec un prompt bien rédigé (par d’autres, tant qu’à faire), on peut donner l’illusion de maitriser un sujet, comme une sorte de tour de passe-passe agile, d’un magicien à la petite semaine qui a suivi 2 tutos YouTube. Pourtant la réponse que nous fournie l’IA est le fruit de nombreuses années de recherches, de réflexions, d’hypothèses vérifiées ou déconstruites et rédigées autrefois par des humains.

Ca me rappelle ces gens qui n’ont comme seul talent, que celui de copier ce qui fonctionne déjà. Nombreux sont ceux qui ont cru que pour réussir il suffisait de copier une idée qui fonctionne déjà et d’y apporter une petite touche personnelle pour faire aussi bien, voire mieux. Sauf qu’on oublie que pour atteindre les sommets il faut suivre un chemin, se tromper, se remettre en question, pivoter, voire complètement abandonner et parfois changer de projet. C’est ce qui fait l’expérience, cette capacité à prendre des décisions contre-intuitives, irrationnelles pour l’observateur lambda, mais instinctives pour la personne expérimentée.

Reste un autre point, finalement bien plus important que tous les autres : le sentiment de satisfaction. Pas juste un shoot de dopamine éphémère, mais ce sentiment de profondeur, de reconnaissance, bien plus durable que la réponse instantanée, susurrée par une IA. Malheureusement, les algorithmes ont alimentés une génération d’accrocs à la dopamine, qui ne se satisferont peut-être jamais de se découvrir un talent, une vocation, une curiosité pour tel ou tel sujet, au point de vouloir y consacrer du temps, des efforts, pas juste pour le résultat, mais pour le chemin à parcourir.

Alors oui l’IA est un formidable bond en avant et un moyen incroyable de réaliser de nouvelles choses. Mais si l’IA vous donne l’impression d’être un génie ou un artiste sans efforts, c’est qu’elle a réussie à vous tromper, et qu’il est temps de vous remettre dans la position de l’imposteur… ce petit moment de lucidité qui doit vous donner envie de vous surpasser et de vous accomplir… de passer de la dopamine éphémère au sentiment de plénitude de la sérotonine.

PS: y’a rien qui vous choque dans cette « punchline » de NotebookLM ?

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